jeudi 30 juin 2016

Who we gonna call ???


Bon, ça ne vous aura certainement pas échappé, mais la vague de remakes (refaire)/reboots (recommencer) qui déferle sur Hollywood, depuis de très nombreuses années maintenant, atteindra cet été l'un des plus hauts sommets des glorieuses 80's de notre enfance.
Un de ces titres qui vous terrifiaient quand vous étiez gosses... Enfin, du moins, qui terrifiait l'auteur de ces lignes, qui l'a découvert en visionnant deux fois de suite la cassette, un mercredi, après l'avoir enregistré la veille, certainement grâce au Ciné-Mardi de TF1. 
Un de ces films devenus un monument indéboulonnable de la pop-culture, et l'objet d'un culte vivace, entretenu à grands coups de re-visionnages entre potes, de jeux vidéos, de jeux de rôles, de comics, de dessins animés, et même de Legos. J'ai nommé, mais vous l'aurez évidemment tous reconnu dés le titre de cet article : Ghostbusters, alias SOS Fantômes (quel titre !) par chez nous ! 
Et oui, Ghostbusters III débarque cet été été dans nos salles. Enfin presque...





Il ne s'agira pas ici d'analyser ou de répertorier les raisons, nombreuses et toutes excellentes, qui ont permis à une paire de comédies fantastiques des années 80 de devenir une œuvre culte (au sens noble du terme, hein, et non commercial, même si bon...).
Il ne s'agira pas non-plus de descendre gratuitement, et bêtement (ce qui va souvent de paire), un film que personne n'a encore pu voir, puisqu'il ne sort que le 15 juillet aux Etats-Unis, et le 10 août en nos belles contrées.


Non, bien sûr, ne soyons pas stupides.
Il s'agît juste, alors que différents trailers (bandes-annonces) sont maintenant disponibles, de noter quelques points qui risquent de faire peur aux fans de la première heure, mais aussi, car il y en a, les points positifs...
Donc, voici les différents trailers, par ordre d'apparition sur la toile : 

 Au mois de mars, on a vu celui-là :
 



 Et au mois de mai, les deux suivants, légèrement différents l'un de l'autre :






 "L'énergie télékynésique existe bien, regardez ce bordel !!!"
 
D'abord, il faut savoir que SOS Fantômes III est une vieille arlésienne qui se rappelle régulièrement à la mémoire des fans depuis le début des 90's.
Il avait déjà été difficile pour la Columbia de convaincre l'équipe de nos casseurs de fantômes préférés de rempiler pour un second chapitre, malgré le succès phénoménal du premier film en 1984. Tous étaient partis sur de nouveaux projets, et rassembler l'équipe n'était pas chose aisée.
Mais Dawn Steel, la directrice du studio, parvint à réunir la troupe autour d'un déjeuner, et à les convaincre du bien fondé du projet. A l'évidence, tout ce petit monde, soit Dan Aykroyd et Harold Ramis (respectivement interprètes de Ray Stantz et Egon Spengler, ainsi que co-scénaristes), Ernie Hudson (Winston Zeddemore), Sigourney Weaver (Dana Barrett), Annie Potts (Jeanine Melnitz), Rick Moranis (Louis Tully), et le réalisateur et co-scénariste Ivan Reitman, a de toutes façons envie de remettre le couvert. Même Bill Murray (Peter Venkman) accepte, lui qui refuse (encore aujourd'hui) systématiquement tout projet de suites, dont il estime qu'ils ne sont produits qu'à de seules fins commerciales.

Ce second chapitre, sorti en 1989, et généralement considéré comme inférieur au premier, est une excellente suite, qui parvient aisément à retrouver tout ce qui faisait le charme de son aîné, et à en poursuivre intelligemment l'esprit, tout en apportant un recul salvateur sur le succès de la franchise. Il présente ainsi les Ghostbusters comme une entreprise devenue ringarde aux yeux des plus jeunes, à deux doigts de mettre la clef sous la porte, et survivant en animant goûters et autres fêtes d'anniversaire.





Suite au succès de ce second volet, moins important, mais tout de même plus qu'honnête, il est rapidement évoqué la possibilité d'un troisième chapitre, immédiatement balayée par l'ensemble de l'équipe, désireuse de se tourner vers de nouveaux horizons.
A l'exception peut-être de Dan Aykroyd, à l'origine même du concept premier de Ghostbusters, et qui évoque régulièrement, au gré d'interviews ou de diverses interventions, son désir de poursuivre l'aventure. Il fera d'ailleurs un amusant caméo, dans le rôle de son personnage Ray Stantz, dans le film Casper, réalisé en 1995 par Brad Silberling.
Aykroyd évoque donc régulièrement son désir d'un nouveau chapitre, pour lequel il aurait déjà écrit un ou deux scripts différents. Las, aucun de ces projets n'est jamais entré en production.

 En 2007, il parle d'un film d'animation, dont nous n'aurons hélas plus jamais de nouvelles, puis signe, avec son compère Harold Ramis, le scénario d'un jeu vidéo, Ghostbusters, le jeu vidéo (ça ne s'invente pas hein...).
Celui-ci sort en juin 2009, et pourrait éventuellement servir de base à un nouveau film, à l'écriture duquel les deux scénaristes seraient alors en train de travailler, et qui devrait voir l'introduction d'une nouvelle équipe de chasseurs de fantômes, dans la perspective d'un passage de relai inter-générationnel.
  

 Séquences cinématiques issues du jeu vidéo


"Zut ! Flûte ! Caca boudin !"

Puis, une nouvelle fois, plus de nouvelles, jusqu'à la bien triste annonce du décès de Harold Ramis en février 2014.
Mais le décès du scénariste, et très attachant interprète de Egon Spengler, ne semble pas pour autant faire de l'ombre au projet d'un troisième film, comme Dan Aykroyd l'évoque, avec une émotion manifeste, au cours d'une interview donnée pour l'édition DVD/Bluray créée à l'occasion du trentième anniversaire de l'original. Une interview dans laquelle il confie, les larmes aux yeux, qu'il continue de plancher sur un troisième opus cinéma, et a l'impression que Ramis se penche régulièrement au-dessus de son épaule pour veiller au grain.

Août 2014, l'information tombe, et commence à faire claquer quelques mâchoires : oui, Ghostbusters III est plus que jamais dans les tuyaux, et présenterait bien un passage de relai entre l'ancienne équipe et une nouvelle.
Titulaire des droits, Sony souhaiterait alors confier le projet à Paul Feig, qui vient de se distinguer en signant coup sur coup deux solides scores au box-office : Bridesmaids (Mes meilleures amies, 2011) et The Heat (Les flingueuses, 2013). Deux jolis petits succès critiques et publics, qui lui valent d'avoir le vent en poupe. Au point que son dernier film, SPY (SPY, 2015), alors en post-production, affiche fièrement un joli budget de 65 millions de dollars, et un casting de première classe avec, autour de Melissa McCarthy, rien de moins que Jude Law et Jason Statham ! Le tout pour une comédie marchant sur les plates-bandes  de James Bond et Mission Impossible.


Paul Feig (au centre), sur le tournage de SPY, avec Melissa McCarthy et Jude Law


"Je raffole de ce plan ! Cette initiative m'enchante follement ! Allons-y ! YAHOOOOOOOOOO !!!"

Octobre 2014, Feig lui-même confirme son engagement sur le projet. Il achève de faire trembler la geekosphère en apportant deux précisions, et pas des moindres.

En premier lieu, son film ne sera pas une suite des deux premiers, mais un reboot total de la franchise, ce qui semble bien désintégrer les chances d'y retrouver l'équipe d'origine. Fi de Ray, Egon, Peter et Winston, et place aux jeunes et à la nouveauté ! 
Une crainte confirmée par une seconde information : le casting de ce reboot sera bel et bien entièrement féminin, ce qui n'a rien d'étonnant, les personnages principaux des films de Feig étant tous des femmes.

Sans surprise toujours, Melissa McCarthy, actrice présente dans les trois derniers efforts du réalisateur, est rapidement confirmée au casting. Suivront Kristen Wiig, qui a elle aussi déjà travaillé avec le monsieur sur Bridesmaids, qu'elle avait co-écrit, et dont elle tenait le rôle principal, ainsi que Kate McKinnon et Leslie Jones, toutes deux surtout connues pour leur participation au Saturday Night Live, célèbre show TV humoristique américain.
Détail intéressant, c'est également sur le plateau du Saturday Night Live que Dan Aykroyd et Bill Murray ont eux-mêmes fait leurs débuts, avant de se tourner vers leur carrière cinéma. Il apparaît ici comme une volonté de donner à ce reboot des racines communes avec ses illustres aînés.

Mais l'annonce de ce casting entièrement féminin produit une réaction particulièrement violente de la part des fans du monde entier. C'est à une véritable levée de boucliers que l'on assiste, menée avec une violence rare par des internautes enragés. Tous hurlent au sacrilège ! A l'hérésie ! Ghostbusters, sans l'équipe d'origine, la pilule était déjà difficile à avaler, mais alors, avec uniquement des filles... Non, c'est juste douloureusement impensable.


Le très controversé casting féminin du reboot, soit, de gauche à droite :
Leslie Jones, Melissa McCarthy, Kristen Wiig, et Kate McKinnon


"C'est du gros gibier, du très gros gibier. On est sur un filon de première là..."

Bon, tachons, au moins un peu, d'être honnête.
Alors que, depuis la fin des années 90, Hollywood (ou ce qu'il en reste) nous abreuve de remakes en tous genres, afin de capitaliser sur un matériau de base peu risqué, car déjà connu du plus grand nombre, il était évident qu'un studio allait, un jour ou l'autre, s'attaquer aux Ghostbusters.

D'abord parce que, comme nous l'avons déjà évoqué, la franchise est vraiment devenue un énorme morceau de pop culture, dont l’iconographie est connue, archi-connue, et donc immédiatement identifiable, y compris de ceux qui n'ont jamais vu le moindre des films. Le logo avec le panneau anti-fantômes bien sûr, mais également le Bibendum Chamallow (Stay Puft Marshmallow Man , en VO) et le fantôme vert Bouffe-Tout (Slimer en VO), créatures emblématiques du tout premier film, et beaucoup d'autres éléments comme les packs de protons, la voiture Ecto-1, ou encore, évidemment, la célèbre chanson de Ray Parker Jr...
Ensuite, parce que Ghostbusters continue encore aujourd'hui d'être rentable, à travers un merchandising conséquent (livres, jeux vidéos, figurines, jouets...) et les rééditions des films en vidéos.


Le fameux Stay Puft Marshmallow Man, ou Bibendum Chamallow, dans la VF
"J'ai pensé à un machin inoffensif, qui m'venait du fond d'mon enfance..."


 Face à une telle manne, aucun studio ne pouvait décemment rester de marbre.
Or, entre le décès de Harold Ramis, et le refus systématique de Bill Murray de reprendre son rôle du professeur Venkman, un nouveau SOS Fantômes ne se serait donc vraisemblablement tourné qu'avec Dan Aykroyd et Ernie Hudson. Ce qui aurait été, au mieux, décevant, au pire, carrément triste, avec le cortège de trouvailles scénaristiques qui n'auraient certainement pas manquer de justifier l'absence des deux premiers. 
Sans compter que nos casseurs de fantômes commencent à être un peu âgés pour sauter partout avec un positronneur désintégrant sur le dos. Ramis aurait eu 71 ans cette année, ainsi que Hudson, alors que Aykroyd et Murray ont respectivement 64 et 66 ans.
Pas de quoi les jeter d'office à l'hospice, évidemment, mais on voit difficilement comment un studio parierait plusieurs millions de dollars sur un casting affichant une moyenne d'âge de 68 ans. Même si, à n'en pas douter, Aykroyd et Hudson auraient renfilé le pack de protons avec un certain bonheur

"On touche à l'irrationnel...""

Tenant compte de cela, il semblait évident qu'un nouveau film présenterait un casting tout neuf, que certains anciens pourraient, tout au plus, venir adouber.
Alors, posons la question : au nom de quoi cette nouvelle équipe ne pourrait-elle pas être entièrement constituée de femmes ? Hein ? Après tout, l'équipe d'origine était totalement masculine, et personne ne s'en est jamais offensé.
Autant, il est parfaitement compréhensible de voir les fans s'agacer du lancement d'un remake (c'est toujours très agaçant et effrayant pour un fan), autant les voir s'insurger à tout bouts de champs du choix d'un casting 100% féminin a tout d'un triste spectacle dominé par la bêtise et une misogynie primaire.
La vraie tristesse de ce nouveau Ghostbusters, ce n'est pas que son cast ne soit constitué que de femmes, mais bel et bien que le casting original ne puisse plus être réuni.


Harold Ramis, Ernie Hudson, Bill Murray et Dan Aykroyd, la fine équipe de Ghostbusters en 1984


"Oh, c'est plus fort que toi hein ? Dés qu'un mec se mouche, il faut que tu gardes la morve..."

Un autre élément apparaît, lui, comme beaucoup plus inquiétant : le choix de Paul Feig.
Indéniablement, Sony a voulu capitaliser sur un réalisateur qui semble actuellement bénéficier d'un véritable engouement.Hélas, ces films précédents ne sont pas forcément artistiquement rassurants.
Certes, le réalisateur met inlassablement en avant des castings essentiellement féminins, aux comédiennes soigneusement choisies, tant pour leurs talents comiques, que dramatiques, ce qui est tout à son honneur.
Par contre, s'il ose fréquemment donner dans la scatologie frontale, ses scènes trashs (un de ses principaux arguments commerciaux) sont généralement si vulgaires, et si prévisibles, qu'elles en perdent une grande partie de leur impact comique.

La fameuse scène de l'essayage des robes dans Bridesmaids par exemple. Non content d'insister lourdement sur la qualité douteuse du repas que ses héroïnes viennent d'ingérer, Feig en rajoute une couche en ouvrant sa scène sur un rot tonitruant de McCarthy, qui commentera : "Oh, je vous demande pardon, je pourrai même pas dire si c'est sorti d'en haut ou d'en bas...", puis persiste en faisant grimacer à outrance ses comédiennes sur fond de gargouillis et de pets incontrôlables... Du coup, quand arrive ce qui doit arriver, Feig a déjà épuisé une bonne partie du potentiel comique d'une telle situation, qui n'avait déjà rien de bien original à la base.


Le casting haut en couleurs de Bridesmaids, de gauche à droite :
Melissa McCarthy, Wendi McLendon-Covey, Ellie Kemper, Kristen Wiig, Maya Rudolph, et Rose Byrne



"Il m'a tout englué..."

On touche là également à un autre problème du réalisateur. Manifestement premier client des performances de ses comédiennes (et on ne pourra décemment pas lui jeter la pierre), Feig semble avoir un mal fou à dire : "Coupez !", aussi bien sur ses plateaux de tournage que dans sa salle de montage.
Les scènes de ses films tirent très souvent en longueur, et aboutissent de manière systématique à des métrages interminables dépassant facilement les deux heures, affligés d'un rythme particulièrement bancal.
Ainsi, The Heat, fait la part belle aux longues diatribes improvisées de McCarthy, et use finalement d'ellipses hasardeuses pour recoller gauchement les wagons de son intrigue.

Tiens, d'ailleurs, parlons en, de l'intrigue de The Heat : un concentré de clichés tel qu'il donnerait une indigestion au plus indulgent des bouffeurs de pop-corn.
En effet, ce buddy movie (film de potes dans lequel deux héros que tout sépare vont finir copains comme cochons), emmené par Melissa McCarthy et Sandra Bullock, ne cherche jamais à sortir des ornières du genre, nous infligeant une structure scénaristique déjà vue mille fois.
En gros, elles se rencontrent, ne peuvent pas se sentir, sont obligées de bosser ensemble, finissent par se respecter et s'estimer, mais l'une déçoit l'autre, d'où séparation, puis réconciliation, parce qu'il faut quand-même botter le cul des méchants, et à la fin, elles sont comme "sœurs". Bref, on est loin d'une œuvre "originale", n'étant pas Shane Black (L'arme fatale I et II, Le dernier Samaritain...) qui veut. Sur un canevas rigoureusement identique, le dernier Disney, Zootopia (Zootopie, 2015), parvenait, lui, à apporter bien plus de fraîcheur et de vitalité, alors qu'il s'agissait d'un film d'animation...
D'autant plus inquiétant que, le film ayant été un succès, et Feig étant manifestement satisfait de sa collaboration avec la scénariste Katie Dippold, il a choisit de travailler de nouveau avec elle.
La scénariste de The Heat à l’œuvre sur le reboot de Ghostbusters, voilà probablement l'information la plus effrayante concernant le projet.

 
Melissa McCarthy et Sandra Bullock dans The Heat

"A-t-on diagnostiqué, chez vous ou chez certains membres de votre famille, une tendance à la schizophrénie, ou à la débilité mentale ?"

Cela dit, tout n'est heureusement pas à jeter dans les films de Paul Feig.
Le monsieur fait montre d'une certaine audace (la scène des robes, aussi ratée soit-elle, il fallait oser quand-même...), et n'oublie jamais de développer ses personnages.
La scène du bar où les héroïnes de The Heat passent toute une nuit à faire connaissance en se saoulant et en dansant, transpire d'une certaine sincérité, apportant un indéniable capital sympathie à ces deux policières et à leur relation. Si les performances de McCarthy et Bullock y sont évidemment pour quelque-chose, Feig démontre ici un réel talent pour diriger intelligemment ses actrices.
Bridesmaids témoignait également d'une étonnante capacité à tracer le portrait sensible et sincère d'une trentenaire larguée, entre deux gags plus ou moins heureux. Une qualité que le film doit bien évidemment, en premier lieu, au scénario rédigé par Kristen Wiig, mais aussi à Feig, qui parvient à rendre touchante une scène où l'héroïne prépare un simple gâteau.

Par ailleurs, et pour être parfaitement honnête, il faut reconnaître que le dernier film en date de Feig, SPY, est nettement moins embarrassant que les deux précédents.
Toujours plombé par une longueur excessive (là encore, plus de deux heures !), et par certains clichés encombrants (le retournement de situation final, que l'on voit venir dés la première demi-heure de film...), SPY est indéniablement plus soigné visuellement que ses aînés, se permettant même une scène d'introduction particulièrement rythmée et efficace, mêlant plutôt habilement humour et action.
Certes, Feig cède trop encore aux embarrassantes sirènes d'une scatologie balourde, avec gâteau au caca et gerbe de vomi arrosant copieusement un cadavre empalé avec force ralentis, mais il faut reconnaître que le réalisateur fait ici quelques efforts pour nous offrir un spectacle plus rythmé, plus harmonieux, et, finalement, nettement plus fluide et digeste.
Espérons que de tels efforts se soient poursuivis sur Ghostbusters. Hélas, rien n'est moins sûr, aux vues de ces bandes-annonces...




"Nous sommes au bord d'un carrefour erruptif quadruple !"

Un élément y est particulièrement inquiétant, le personnage de Patty, qui semble bel et bien n'être qu'une énième version du cliché de "la black hystérique à grande gueule". Un cliché qui a décidément la peau dure, comme si le seul moyen, pour une actrice noire, d'exister au sein d'une production comique, n'était que de hurler en roulant des yeux...
Dans ces premières images, Leslie Jones, son interprète, n'a de cesse de crier, courir, et sauter en tous sens. Elle nous ressert même le gag éventé du slam raté en plein concert, où le public s'écarte et la laisse s'écraser au sol, au lieu de la récupérer et de la porter. Un gag que, déjà dans les trailers, on voit bien lourdement arriver.
Ce personnage, et son traitement, laissent, hélas, supposer que Feig et Dippold se sont une fois de plus joyeusement vautrés dans les pires clichés. Après tout, ils auraient eu tort de se priver, The Heat ayant été un franc succès, largement plébiscité par le public.
 Mais tout espoir n'est peut-être pas perdu, puisque ce même personnage est aussi au cœur de la scène de la perche à selfie, de loin la plus drôle des trailers. Wait and see...

Par ailleurs, certains passages laissent penser que Feig a de nouveau céder à son penchant pour la scatologie. Il est vrai que la présence du slime, cette matière visqueuse laissée derrière eux par les fantômes, lui tendait une perche trop belle pour qu'il ne fasse l'effort de l'éviter.
Kristen Wiig engluée, qui explique à quel point cette matière s'incruste dans les moindres recoins, ou Melissa McCarthy voyant du slime lui dégouliner du nez et des oreilles... Autant de promesses de finesse en perspective. Les premiers films ne se privaient certes pas non plus d'allusions scatologiques, mais parvenaient toujours à le faire dans un humour familial et bon enfant, finalement bien plus drôle, car plus subtile, que la vulgarité frontale à laquelle Feig nous a habitué. Espérons qu'il ait ici modérer ses ardeurs...

  "Quand je pense qu'on a atteint l’éther de la métapsychique..."

Autre source d'inquiétude, alors que ce nouveau SOS FAntômes est censé être un reboot, donc un nouveau départ, la communication autour du film ne se prive pas de jouer ouvertement sur la présence d'éléments directement issus des films originaux, ou du moins très proches.
Ainsi, la célèbre chanson de Ray Parker Jr. rythme les différents trailers, forcément remixée (le morceau a maintenant plus de trente ans !), mais pas trop quand-même, puisqu'il faut pouvoir la reconnaître.
D'ailleurs, cette même chanson a eu le droit à sa reprise sauce 2016 par Fall Out Boy et Missy Elliott, pour un résultat... qui plaira sans doute aux plus jeunes. 


 

La célèbre ECTO-1, la voiture de nos héros, est également de la partie.
Il s'agît toujours d'une Cadillac blanche et rouge à la toiture envahie par une énorme masse d'équipement, ainsi que d'un gyrophare. Par contre, le modèle Miller-Meteor de 1959 des deux premiers films est ici remplacé par une Cadillac Fleetwood Station Wagon de 1983. Soit un modèle nettement moins rétro que son aînée, mais quand-même un peu vieillot, histoire de rester dans le ton.

La première ECTO-1, une Cadillac Meteor-Miller de 1959
 

ECTO-1 dans sa livrée 2016, une Cadillac Fleetwood Station Wagon de 1983


Les packs de protons sont évidemment de retour, mais semblent avoir quelque-peu perdu de leur aspect brut de décoffrage, du genre "bricolés au fond d'un garage mal éclairé avec les moyens du bord", au profit d'un design plus clair et plus lumineux.


Le pack de protons de 1984, et sa version de 2016


Le plus troublant reste sans doute la présence de Bouffe-Tout (manifestement très proche de son illustre aïeul), et du Bibendum Chamallow, reconnaissable le temps de quelques plans, malgré un évident relooking, et une attitude à priori très agressive. Pas forcément une bonne idée, car tout le sel de ce personnage reposait justement sur le contraste entre sa taille immense, et son aspect particulièrement enfantin.
Une idée marquante qui a permis à ce fantôme de devenir l'un des éléments les plus remarquables de la série, alors qu'il n'apparaît que dans une toute petite poignée de plans à la fin du premier film, et qu'il est totalement absent du deuxième opus.


Le Bibendum Chamallow issu du reboot, avec son air particulièrement menaçant...


Autant d'éléments qui démontrent l'aspect casse-gueule du projet, reboot ressemblant de plus en plus fortement à un remake (mais en même temps, n'est ce pas normal ?), tant il semble pêcher ses idées dans les films d' Ivan Reitman, au lieu de chercher à tracer sa propre voie. Et encore passe-t-on sous silence la "possession fantomatique" du secrétaire des Ghostbusters, proche du cas Janosz Poha du second volet; le fantôme de la vieille bibliothécaire; l'immeuble au sommet duquel se développe un nuage paranormal, comme dans le premier film; ou le défilé de fantômes dans la ville...

"Ça a fait schboum là-dedans !"

Autre point, et pas des moindres, l'ampleur du film.
Certes, les deux premiers étaient déjà des productions importantes, bourrées d'effets spéciaux. Mais ils étaient avant tout centrés sur les personnalités des chasseurs de fantômes, et leurs rapports, au sein de l'équipe, comme avec les autres personnages.
Les films d'Ivan Reitman trouvaient un équilibre remarquable, entre comédie familiale (légèrement) politiquement incorrecte, et fantastique à tendance (légèrement) horrifique. Nul doute que cette subtile alchimie, très difficile à obtenir, y est pour beaucoup dans la popularité de ces œuvres.


Bouffe-Tout (Slimer), dans Ghostbusters II, et dans la version de 2016


Or, nous sommes en 2016. A l'ère des blockbusters monumentaux, des Transformers et autres films de super-héros dont les joutes provoquent l'effondrement d'immeubles, quand il ne s'agît pas de quartiers, voire de villes entières. Et il ne fait aucun doute, avec un budget de 154 millions de dollars, que ce nouveau Ghostbusters ait été conçu comme tel : un énorme blockbuster de l'été, qui se doit absolument d'être encore plus spectaculaire, d'en mettre plein les yeux, et donc, forcément, de jouer la carte de la surenchère. Dans une série dont le succès repose sur une "subtile alchimie", hum...
Et les bandes-annonces sont à l'avenant. Les SOS Fantômes y débordent de matériel : les packs de protons, bien sûr, mais aussi des pistolets plus petits, des fusils plus gros, des pièges plus fluos, une moto... Subrepticement, on aperçoit même McCarthy et McKinnon se battre à mains presque nues, équipées de poings spéciaux faisant valser les ectoplasmes dans les airs (sic...).

"J'adore New Yoooooork !"

Quelques plans montrent également un incroyable déferlement de fantômes dans les rues de New York. Point d'orgue déjà des deux premiers films, l'invasion de la Grosse Pomme semble ici prendre des proportions colossales, les spectres y étant bien plus nombreux, et bien plus grands, à l'instar du Bibendum Chamallow.
Un inquiétant indice de plus concernant la surenchère dans laquelle le film va inévitablement se lancer. Même si force nous est de reconnaître que ce plan où l'on voit l'équipe des Ghostbusters faire face à des centaines de fantômes en plein Time Square nous aurait mis sacrément la bave aux lèvres dans un éventuel Ghostbusters III.


Deux affiches teaser du reboot


D'ailleurs, les deux premiers films étaient très étroitement liés à la ville de New York, dans laquelle ils se déroulaient.
Lieu cosmopolite à la fois unique par son gigantisme, et très symbolique des valeurs américaines (on y trouve la fameuse Statue de la Liberté !), New York semblait être le seul lieu au monde où de telles aventures pouvaient se produire, comme en attestait la réplique finale du premier film, prononcée par Winston (Ernie Hudson) : "J'adore New York !".
Or (surenchère oblige !), le danger semble cette fois menacer l'ensemble des Etats-Unis, comme en témoignent les scènes du Bureau Ovale et du journal télévisé. Ce qui risque d'avoir un impact non négligeable sur l' "Esprit Ghostbusters" qui participe d'une œuvre si singulière.
Il serait vraiment dommage d'assister à un énième blockbuster sans âme dont les héros devraient sauver le monde dans une gerbe d'effets spéciaux multicolores... 


Une autre paire d'affiches teaser du reboot

"D'où vous veniez ? Avant d'être revenant..."

Résumons : absence du cast original de la série, et donc de leurs personnages; un réalisateur au sens du rythme défaillant, risquant fort de nous abreuver de poncifs, et adepte d'une vulgarité pas toujours très heureuse; la digestion et la régurgitation d'éléments fondateurs qui auraient pu (du ?) rester là où ils se trouvaient; un personnage (au moins) manifestement écrit selon les pires clichés en vigueur; la surenchère inévitable dans le spectaculaire risquant fort de noyer toute tentative d'apporter un peu de fraîcheur et d'originalité à l'ensemble, une scénariste n'ayant signé qu'un long-métrage, loin d'être brillant ... 
Mais aussi, un réalisateur capable de tirer le meilleur de ses interprètes; une joyeuse troupe de comédiennes au potentiel explosif; et manifestement, un bestiaire chargé servi par de très réussis effets spéciaux, pour qui apprécie les fantômes fluo...
On le voit, il y a hélas plus de raisons de redouter ce reboot que de l'accueillir à bras ouverts. 

Alors, bien sûr, il ne s'agît là que de pures spéculations, basées sur une poignée de bandes-annonces. 3 minutes ne sauraient être représentatives d'un film dans son ensemble (encore que, après tout, c'est bien le but d'une bande-annonce...).
Peut-être celles-ci jouent-elles volontairement la carte de la nostalgie afin d'attirer le public des fans de la première heure (un échec, puisque le premier trailer rendu public sur la toile est devenu la vidéo la plus détestée de Youtube ! Un record...).
Peut-être ce nouveau Ghostbusters parviendra-t-il finalement à trouver sa propre voie, et un ton original.
Peut-être Paul Feig et son équipe auront-ils réussi à trouver le juste équilibre entre la comédie, et un fantastique à la lisière de l'horreur, très difficile à obtenir (dans le premier film, les scènes dans l'appartement de Dana utilisaient une grammaire issue du cinéma d'horreur, et étaient réellement effrayantes... Du moins pour le gosse que j'étais.).
Peut-être la débauche d'action et d'effets spéciaux propre à notre époque se mariera-t-elle finalement bien avec le style de Paul Feig et le concept même de SOS Fantômes...


Kate McKinnon la joue bad ass dans le reboot


Il ne s'agissait là que d'évoquer quelques craintes, légitimes, eu égard à l'importance des deux premiers films, et à l'attachement sentimental, sincère et profond, du plus grand nombre pour cet univers coloré et décalé.
Cet été, certains se précipiteront dans leur cinéma le sourire aux lèvres heureux de se lancer, ou de se relancer, à la chasse aux fantômes.
D'autres ne franchiront le seuil de leur salle qu'avec une franche appréhension, prêts à dégainer leur pack de protons contre la moindre idée, le moindre détail, qui leur paraîtra relever de l'hérésie (et ils en trouveront, c'est certain !).
D'autres encore, iront voir ce reboot persuadés qu'ils vont assister à un massacre qu'ils ne pourront qu'unanimement détester.
Il n'y a rien de plus difficile à satisfaire qu'un public de fans, particulièrement lorsque l'on s'attaque à une œuvre présente depuis si longtemps, et au capital sympathie aussi énorme. C'est qu'on les aimes nos casseurs de fantômes ! Ce sont des potes ! Et les potes, c'est sacré !



L'affiche officielle


On verra bien... Après tout, Ivan Reitman est présent sur le projet, en tant que producteur, et aura peut-être su guider Paul Feig dans une direction à la fois respectueuse et originale.
Les anciens, Dan Aykroyd, Bill Murray et Ernie Hudson, font tous une petite apparition dans le film, et les comédiens ont tous vanté les mérites de cette nouvelle version...
Il y a certes la réalité du langage promotionnel derrière ces propos, où tout le monde doit dire du bien de tout le monde et vanter le meilleur film jamais tourné, mais allez... Sait-on jamais ?
La réponse se trouvera dans les salles obscures le 10 août prochain.

En tous cas, les deux premiers films existeront toujours, et garderont à jamais une vraie grosse place à part dans nos cœurs d'amoureux du cinéma !

Jipi



Petit cadeau : le clip plein de néons et de stars de Ray Parker Jr. pour le film de 1984 !
 



Et le caméo sympathique de Dan Aykroyd dans Casper (1995)




Crédits photos : imdb.com, wikia.com, cbsnews.com, deathandtaxesmag.com, compte Twitter de Dan Aykroyd, fanactu.com, goldposter.com, indianexpress.com, justcollecting.com, senscritique.com, spicypulp.com, switfilm.com, traileraddict.com

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