vendredi 26 août 2016

Dernier train pour Busan ! La Corée sauve l'été !

Décidément, cette année, les claques ciné nous viennent (une fois encore !) de Corée du Sud !
Après le sublime et nihiliste The Strangers, de Na Hong-jin, sorti au mois de juillet dernier, voici donc que débarque en nos salles ce fameux Dernier train pour Busan (DTPB, pour les intimes), précédé d'une réputation des plus flatteuses. Quoique...
"Le film qui enterre littéralement World war Z !", a-t-on pu lire un peu partout... Mais comme World War Z n'a convaincu de ses "qualités" que les néophytes qui n'avaient jamais vu de films d'infectés, voire un public généralement réfractaire aux films d'horreur, ce n'était  peut-être finalement pas si compliqué que ça de l'enterrer...




Du rythme ! Du rythme ! Et du rythme !

Nous voici donc en Corée du Sud, à suivre Woo Seok, jeune père ayant manifestement sacrifié sa vie de famille sur l'autel de son travail. Trop occupé à gérer les actions de ses gros clients, il a laissé sa femme filer à l'autre bout du pays, à Busan, et néglige tellement sa petite fille de 8 ans, Soo-an, que cette dernière semble prête à tout pour rejoindre sa mère. Y compris à prendre le train toute seule. Woo Seok n'aura d'autre choix que de prendre le train avec elle, au moment même où de violentes et inexplicables émeutes ensanglantent le pays...

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Yeon Sang-ho a un certain sens du rythme ! 
Il ne s'agît là que de sa première réalisation live, mais le jeune réalisateur (déjà auteur de trois long-métrages d'animation, King of Pigs, en 2011, The Fake, en 2013, et Seoul Station, en 2016, dont DTPB constitue une sorte de suite/variation, mais en live) fait montre d'une rigueur et d'un savoir-faire exemplaires.


Un des infectés de Seoul Station


Ainsi, il n'aura besoin que d'une courte poignée de scènes pour nous exposer son personnage principal. Guère plus d'un petit quart d'heure pour nous présenter ce jeune père, certes sincèrement épris de sa fille, mais favorisant sa carrière au sein d'une grosse société de gestion financière. Une boîte dans laquelle, pour plaire à ses supérieurs et monter en grade, il n'hésite pas à mettre ses propres convictions et son sens moral de côté.

Et quand le père et la fille montent finalement dans le train, le réalisateur n'attendra pas longtemps non-plus avant de déclencher l'horreur, via une passagère de dernière minute bien mal en point... qui se jettera à la gorge de la première hôtesse cherchant à lui venir en aide.


Contamination Express !

Le film révèle alors ses ambitions de classique film d'infectés (à ne pas confondre avec les mort-vivants, qui, eux, sont des morts qui reviennent à la vie. Les infectés sont des gens bien vivants, mais malades), où chaque personne mordue sera à son tour contaminée, et tentera de mordre tout individu passant à sa portée, afin de propager le virus.
Et dés ce premier assaut, incongru et douloureux, l'action s'emballe, et l'on assiste, immédiatement pris à la gorge, à une éberluante scène de panique se déroulant dans tout le train.

 
Woo Seok (Gong Yoo) va tout tenter pour sauver sa fille


Les contaminations s'enchaînent à une allure trépidante, et les infectés ont un aspect et un comportement immédiatement effrayants, notamment lorsque, pris de violentes convulsions, ils se contorsionnent en tous sens, défiant les plus évidentes lois de l'anatomie humaine (car, enfin, une jambe n'est pas sensée se plier dans ce sens voyons...). En cela, ils rappellent d'ailleurs énormément d'autres infectés, ceux de l'excellent manga I am a hero de Kengo Hanazawa, lecture que nous ne saurions que très chaudement vous recommander.
Hurlants, erructants, crachottants, les infectés se multiplient et déferlent littéralement de wagon en wagon, terrifiant des passagers désemparés face à un phénomène qu'ils ne comprennent pas, et qu'ils n'ont aucunement pu anticiper.


Une victime de la contamination...


C'est d'ailleurs là une des grandes forces de DTPB, donner à voir, de manière extrêmement convaincante, ce qui pourrait advenir au moment même où se déclarerait une telle épidémie.
En effet, la plupart des œuvres du genre (et elles sont nombreuses !), par commodité scénaristique et financière, sautent cette étape, pour commencer leur récit souvent plusieurs semaines, plusieurs mois après l'épidémie, et nous décrire des survivants ayant déjà fait connaissance avec la menace.
The Walking Dead (2010), 28 jours plus tard (28 days later, Danny Boyle, 2002), Zombie (George Romero, 1978), Le jour des morts-vivants (Day of the Dead, George Romero, 1985), et bien d'autres, jouent tous de l'ellipse au moment fatidique, laissant l'imagination du spectateur combler le gouffre béant. Zack Snyder s'était (joliment !) confronté à l'exercice, mais seulement le temps de la courte introduction de son excellent remake de Zombie, L'armée des morts (Dawn of the dead, 2004).

 
Yeon Sang-ho (au centre), sur le tournage de Dernier train pour Busan

Du cœur avant tout

S'il soigne particulièrement ses infectés (qui sont d'une remarquable efficacité, mais n'auront rien de bien nouveau pour les aficionados du genre), Yeon Sang-ho n'en oublie pas pour autant ses rescapés, conscient que la menace, aussi réussie soit-elle,  ne pourra être réellement effrayante que si ses spectateurs peuvent s'identifier à des personnages crédibles.

Dans son train, il entreprend donc, toujours avec cette simplicité lui permettant de maintenir un rythme soutenu, de nous dépeindre quelques portraits, plus ou moins subtils. Le père lâche qui va prendre petit à petit conscience de la déshumanisation dans laquelle son travail l'a plongé, le costaud un peu rustre toujours prêt à cogner (mais finalement moins bête qu'il n'en a l'air), les deux grand-mères, sœurs que rien ne saurait séparer, l'équipe de lycéens joueurs de base-ball, aux battes bienvenues lorsqu'il s'agira de shooter de l'infecté...

 
Sang Hwa (Ma Dong-seok) et Woo Seok (Gong Yoo) se préparent à l'assaut...


Si ces personnages ont tout d'archétypes déjà croisés mille fois, le réalisateur parvient sans peine à les humaniser et les rendre très attachants, par petites touches subtiles, le scénario et la mise en scène privilégiant souvent l'émotion par rapport à l'horreur graphique
Car les Sud-Coréens ont un goût prononcé pour le mélodrame, dans le sens noble du terme (on se souviendra longtemps de la fin de Pandémie (Kim Seong-su, 2013) pour cette petite fille pleurant face aux militaires...). Et du mélo, il y en a un peu dans DTPB. Juste ce qu'il faut.
Conscient que son film doit avoir un cœur jusqu'au bout, Yeon Sang-ho refuse, par exemple, un climax qui jouerait la carte de la surenchère spectaculaire et/ou horrifique, pour choisir plutôt d'abattre celle de l'émotion, avec une simplicité et une efficacité confondantes.

 
Un arrêt en gare particulièrement dangereux pour la petite Soo-an (Kim Soo-ahn)


Épuisant et dantesque !

Par ailleurs, les situations dans lesquelles il plonge ses survivants sont d'une véracité si prégnante que, très vite, même les spectateurs les plus tatillons devraient se laisser embarquer. Car, là aussi, Yeon Sang-ho fait montre d'un savoir-faire bluffant.

Pas un temps mort dans cette course pour la survie, au cours de laquelle le scénariste/réalisateur exploite tous les recoins de son train (locomotive, wagons passagers, WC... et même les étagères pour les bagages), gérant de manière intelligente et pertinente son décors confiné, pourtant visuellement répétitif (car rien ne ressemble davantage à un wagon de train, qu'un autre wagon de train...). Malgré l'intensité d'une action franchement soutenue, on saura toujours où l'on se trouve, on comprendra toujours ce qu'il se passe à l'écran, et l'on aura toujours conscience des enjeux.
Le réalisateur développe ses personnages, fait avancer son histoire , et n'oublie jamais d'en exploiter le potentiel dramatique, ou horrifique. A ce titre, certaines scènes d'attaque sont purement et simplement dantesques !

 
Panique à bord !


Alors, certes, le film ne déploie pas une imagerie bien originale (visuellement, on est très proches de 28 jours plus tard ou de L'armée des morts...), et on pourra même lui reprocher un certain manque de générosité graphique. En cela, en effet, DTPB peut paraître assez proche de World War Z, si ce n'est que les motivations des deux réalisateurs sont bien différentes.
 Marc Forster s'efforçait d'édulcorer au maximum l'aspect horrifique de son film (ah, cette amputation sans amputation, sans la moindre goutte de sang...), afin de ne surtout pas choquer les non-initiés, et de ne pas se couper d'une bonne partie du public qu'une tête d'affiche comme Brad Pitt allait brasser. Il avait donc accouché d'un pur produit hollywoodien (dans le pire sens du terme), un hybride cherchant maladroitement à plaire à tous les publics, et ne satisfaisant finalement personne, malgré quelques belles idées (la montagne d'infectés à l'assaut de Jérusalem, l'infection dans l'avion, l'attaque de Philadelphie...).


L'une des épiques scènes d'attaque de Dernier train pour Busan


Yeon Sang-ho, lui, assume parfaitement les débordements gores du genre, mais choisit simplement de ne jamais s'y complaire plus que de raison, privilégiant le rythme soutenu dicté par des situations plaçant ses personnages dans un état d'urgence permanent.
On pourra également reprocher au réalisateur la manière quelque peu insistante avec laquelle il assène son propos social anti-capitaliste, certes fort louable, mais manquant parfois de subtilité (cette discussion téléphonique entre Woo Seok et son subalterne, pas forcément utile, ou encore ce chef d'entreprise prêt à sacrifier tout le monde, et ne surtout aider personne, pour sauver sa peau).

Mais le fait est que Dernier train pour Busan est d'une telle efficacité, d'une telle force d'évocation, que tous les fans de films de zombies et d'infectés (ce sont souvent les mêmes) (les fans hein, pas les zombies et les infectés...) ne peuvent que remercier Yeon Sang-ho pour cette petite perle inespérée, qui restera certainement dans les esprits.   

Jipi



Dernier train pour Busan, Corée du Sud, 2016
Réalisation : Yeon Sang-ho
Scénario : Yeon Sang-ho
Interprétation : Gong Yoo, Kim Soo-ahn , Jeong Yu-mi, Ma Dong-seok...


Je ne partagerai ici aucune bande-annonce ou teaser du film, car, à mon sens, elles en montrent toutes beaucoup trop. Particulièrement les bandes-annonces françaises, qui résument carrément le film par ordre chronologique.
Je vous encourage donc chaudement à ne pas les visionner, et à aller voir le film en salle !  



Crédits photographiques : ecranlarge.com, vodkaster.com, imdb.com, lejournaldugeek.com, senscritique.com  

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